19h30 : auberge espagnole
21h : projection
Film de Abdellatif Kechiche, 2010, 164 min.
Paris, 1817, enceinte de l’Académie Royale de Médecine : « Je n’ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes ». Face au moulage du corps de Saartjie Baartman, l’anatomiste Georges Cuvier est catégorique. Un parterre de distingués collègues applaudit la démonstration. Sept ans plus tôt, Saartjie, quittait l’Afrique du Sud avec son maître, Caezar, et livrait son corps en pâture au public londonien des foires aux monstres. Femme à la fois libre et entravée, elle était l’icône des bas-fonds, la « Vénus Hottentote » promise au mirage d’une ascension dorée…
La colère qui anime ce film terrible et radical n’empêche pas la lucidité. Celle de Kechiche d’abord, qui extrait de ce destin brisé une vision très claire du moment où s’est formé le rapport des puissances coloniales au reste du monde. La virulence du discours n’empêche pas la lucidité du spectateur. C’est l’un des traits les plus singuliers de ce film que de remettre en cause sans cesse (et sans ménagement) la place de ce dernier, en étirant ses séquences « jusqu’aux limites du supportable », alternant plans sur le sujet regardé et ses spectateurs, passifs, curieux, obscènes. Ce n’est pas seulement un film sur le racisme, c’est un film où chaque regard est raciste…