Discussion – Critique du capitalisme ou politique de l’identité ? Confusions théoriques, impasses stratégiques, perspectives émancipatrices.

Avec les auteurs : Nedjib Sidi Moussa (La fabrique du musulman) et Renaud
Garcia (Le désert de la critique).

Depuis quelques années, le discours de la « gauche radicale » s’articule de plus en plus autour d’identités et non plus autour des rapports de classes. S’organiser entre femmes, entre « racisés », entre homosexuels, entre communautés…, tout en cherchant à se mettre à la place du plus dominé, à l’intersection de dominations multiples, est une pratique de plus en plus courante. Mais pourquoi se regrouper sur une telle base ? Quelle est l’origine de ces théories qui visent à lutter contre les rapports de domination et de pouvoir ? Quelles perspectives cela amène-t-il dans les luttes en cours et à venir ?

Renaud Garcia, auteur du Désert de la critique, étudie le cheminement du postmodernisme (Foucault, Derrida…), en particulier de l’idée de déconstruction, dans sa remise en cause de la lutte de classes et de la perspective révolutionnaire, et son appropriation actuelle par certains milieux que l’on peut désigner comme « post anarchistes ». Son analyse croisera celle de Nedjib Sidi Moussa, qui montre, dans La fabrique du musulman, comment une certaine « gauche radicale » a remis au goût du jour les notions de race et de religion en lieu et place de la question sociale.

Pourquoi parler aujourd’hui d’islamophobie ? Cette notion, qui mêle le religieux à la question du racisme, cache la réalité de ce dernier et peut mener à des confusions et à soutenir les religions. Or la religion, soutien indéfectible de l’oppression et des classes dominantes, sert très souvent à masquer l’exploitation qui est commune à l’ensemble du prolétariat. On déconstruit les rapports de domination pour ne garder que des identités qui nous assignent à une place, aussi marginale ou singulière soit-elle. L’assignation à une identité nie directement les choix individuels, mais aussi les rapports sociaux propres au monde dans lequel nous vivons. La lutte contre le racisme et le sexisme est nécessaire, mais sous un angle qui prenne en compte leur articulation avec le système capitaliste.

Les deux ouvrages nous questionnent sur les perspectives émancipatrices de telles luttes autour de la race, de la religion ou de l’identité, tandis que la restructuration du capitalisme se poursuit, que la lutte de classes n’a jamais été aussi actuelle, et que les divisions du prolétariat, l’atomisation bien réelle de celui-ci, laissent libre cours à la perpétuation de l’exploitation. Déconstruction et anti-islamophobie ne nieraient-elles pas toute perspective révolutionnaire ?

Ces questions et ce débat sont complexes, mais ils nous semblent nécessaires à l’heure actuelle. Afin de mieux appréhender ces interrogations, nous proposons une bibliographie indicative sur le site de la Rétive dans l’onglet « à lire, à relire ».

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